Histoire du code civil hellénique. La période des hésitations: 1822-1891
Contribution à /’ Histoire du Droit Néohellénique
«Pourquoi en Grèce, alors que les autres Grands Codes furent rédigés en très peu de temps, a-t-il fallu 118 années pour la rédaction et la promulgation du Code Civil?». Telle est la question qui fut à l’ origine de cet ouvrage.
La recherche dans les archives et la découverte de manuscrits inédits ont apporté de nouvelles données au problème et ont enfin permis de formuler une réponse à la question qui planait depuis longtemps sur l’Histoire du Droit Néohellénique.
Ce livre a été présenté comme thèse de doctorat à la Faculté de Droit de l’Université Démocrite de Thrace et a été acceptée unanimement avec mention «magna cum laude» en Juin 2007.
Les matières du livre se présentent comme il suit:
Dans le premier chapitre: Sous le Gouvernement Provisoire de la Grèce (1822-1827), est présenté le statut juridique qui fut en vigueur sous la domination ottomane de la Grèce et spécialement pendant la dernière période de cette domination. L’exposition de ce statut se réfère seulement au peuple grec. Ensuite sont présentés les décisions prises par les Assemblées Générales Locales (1821-1822) et contenues dans les Constitutions Locales, ainsi que les décisions en matière de Droit en général et de Droit Civil plus spécialement prises aussitôt après la Déclaration de /’ Indépendance Hellénique et la promulgation de la première Constitution de l’État Hellénique unitaire, survenues le 1er Janvier 1822 à la Nouvelle Épidaure, ainsi que pendant toute la période du Gouvernement Provisoire de la Grèce (1822-1827). Sont signalés les articles des Constitutions Locales (du Sénat du Péloponnèse, de l’ Aréopage de la Grèce Continentale Orientale et du Sénat de la Grèce Continentale Occidentale) aussi bien que les articles des deux premières Constitutions Provisoires de la Grèce de 1822
et 1823, qui mettaient en vigueur les lois «de feus nos Empereurs Chrétiens» (οἱ νόμοι τῶν ᾀειμνήστων ἡμών Χριστιανῶν Aὐτοκρατόρων) comme règles légales régissant les questions de Droit Civil. Cette décision fut prise non pas tellement pour des raisons pratiques (étant donné que les affaires civiles des Grecs sous la domination ottomane étaient régies par cette législation et par les coutumes), mais surtout pour des raisons politiques: le nouvel État Hellénique revendiquait sa continuité politique et juridique avec l’Empire Byzantin, aboli en 1453 par la conquête ottomane, et avait déjà proclamé cette continuité par la Déclaration Finale des travaux du 15 Janvier 1822 de la Première Assemblée Nationale. Il faut aussi souligner que le nouvel État refusa d’introduire en 1822 les coutumes comme source de Droit Civil. Ce refus s’explique par les choix politiques qui ont prévalu, tout au moins théoriquement. Le manuel consulté par les tribunaux était l’Héxabible de Constantin Arménopoulos.
Dans le second chapitre: Sous la République Hellénique (1827- 1833), est exposé le statut juridique mis en vigueur selon la Constitution Politique de la Grèce de 1827 et les mesures introduites pendant la période 1827-1833. Les lois réglant le Droit Civil durant cette période n’étaient pas inconnues, mais l’auteur présente un grand nombre de renseignements inédits, provenant des archives, qui expliquent les décisions prises. Sont surtout explorées les raisons du choix du Code Civil des Français comme modèle pour le Code Civil Hellénique qui serait rédigé. Ces raisons ne se bornaient pas au besoin de suivre un code méthodique et moderne comme le Code Civil, nécessaire pour un Etat qui se voulait résolument tourné vers l’ Europe et la modernité, mais aussi pour des raisons politiques décidées par les législateurs de la Troisième Assemblée Nationale à Troezène. La décision de compilation d’un Code Civil Hellénique n’eut pas de suite pendant cette période à cause de la situation politique et diplomatique très difficile, qui ne permit pas au Président de la Grèce Jean Capodistrias de s’occuper sérieusement de la question. Pendant toute cette période les tribunaux décidaient des affaires civiles en recherchant les lois «de feus nos Empereurs Chrétiens» dans le manuel de l’Héxabible d’Arménopoulos. Il faut signaler qu’en même temps on peut distinguer une tendance sous-jacente d’introduction des coutumes comme source de Droit Civil, selon les dictats de Γ Ecole Historique du Droit, mais aussi pour des raisons pratiques. Cette tendance ne changea en rien la manière de juger des litiges. À la fin de cette période, le Ministre de la Justice Christodule Clonarès promulgua le 8 Octobre 1832 (date ancien style) un décret abolissant tous les tribunaux, excepté ceux des juges de paix et le Tribunal de Commerce de Syra. La cause de promulgation de ce décret doit être attribuée au dépit du Ministre suite au refus de l’Assemblée Nationale de Pronoia (Nauplie) de promulguer une nouvelle loi d’Organisation des Tribunaux rédigée par lui !
Dans le Chapitre 3: Changement politique et continuité des institutions, est présenté le changement institutionnel et politique de 1833 et le processus qui amena l’introduction du nouveau régime constitutionnel (Royaume de la Grèce). Les règles générales régissant ce régime sont analysées et les différences avec les régimes des périodes précédentes sont signalées. Il faut remarquer qu’en 1833 il ne fut pas introduit de régime de «monarchie absolue», régime inconnu en Grèce. La Constitution Politique de la Grèce de 1827 fut maintenue en vigueur, excepté les articles se référant à T Assemblée Législative abolis déjà en 1828 avec l’accord de l’Assemblée siégeant alors. L’auteur démontre que le régime de 1833-1844 ne différait pas de celui de 1828-1833.
Dans le Chapitre 4: Le Décret de la Loi Civile du 23 Février/7 Mars 1835 est décrit le processus de législation en matière civile adopté par le Conseil de la Régence du Royaume de la Grèce, ainsi que les vues de celui-ci sur le problème. Le Conseil de la Régence, composé par le comte Joseph-Ludwig von Armansperg comme président, le jurisconsulte Georg-Ludwig von Maurer et le général de brigade Cari-Wilhelm von Heideck, devait gouverner la Grèce pendant la minorité du premier Roi de la Grèce Othon, prince de Bavière et second fils du Roi de Bavière Louis I. Des trois membres du Conseil celui qui était chargé de la branche de la Jjustice était le jurisconsulte Georg-Ludwig von Maurer. Selon les théories de 1’École Historique du Droit. Maurer essaya de rassembler des renseignements sur les coutumes de la Grèce et s’adressa aux communes du pays, pour compiler une collection qui serait utilisée pour la rédaction du Code Civil. Les rapports sur les coutumes n’avaient pas encore été tous reçus au Ministère de la Justice que Maurer dut rentrer en Bavière, rappelé en disgrâce par le Roi de Bavière Louis I, en même temps que le membre suppléant de la Régence Cari August von Abel. Entre-temps il avait doté la Grèce d’un Code Pénal moderne, sur les principes de celui de la France, et de celui de la Bavière, ainsi que de Codes de Procédure Pénale et Civile et d’un Code d’Organisation Judiciaire.
La suite des efforts pour la rédaction d’un Code Civil pour la Grèce fut entreprise par le Président du Conseil de la Régence, le comte Armansperg, qui le 1/15 Janvier 1835 rédigea un projet de décret (adopté le même jour par le Conseil de la Régence) portant sur 1’ organisation d’une Commission Législative avec mission de traduire le Code Civil Français en grec moderne et de l’adapter aux besoins du peuple grec. Il ne s’agissait pas de rédiger un nouveau code mais seulement d’une adaptation selon la religion Orthodoxe et les coutumes grecques. Entre-temps, étant donné que la nouvelle organisation des tribunaux entrait en vigueur, il fallait éclairer les nouveaux juges sur les lois à appliquer en matière civile jusqu’à la promulgation du Code sous rédaction. C’est pour cela que le Ministre de Injustice Georges Praïdès soumit à l’approbation du Conseil de la Régence un projet de loi portant que jusqu’à la promulgation du Code Civil le manuel d’Arménopoulos resterait temporairement en vigueur et que les coutumes prévaudraient là où elles avaient acquis vigueur soit par un long usage soit par des décisions de tribunaux. Le projet obtint l’approbation du Conseil de la Régence à condition que, après délibération au Conseil des Ministres, il n’y aurait pas d'avis contraire. Bien que Praïdès s’efforçât de faire accepter le projet, les membres du Conseil Ministériel n’ étaient pas d’accord sur l’acceptation des coutumes, mises au ban de la légalité néohellénique depuis 1822, comme source de Droit. Pour cette raison la Régence envoya le projet à la Commission Législative déjà délibérant sur la rédaction d’un Code Civil Grec. Le Président de la Commission Christodule Clonarès par un long rapport révisa le projet et proposa comme plus correct le recours aux lois byzantines contenues dans le recueil d’Arménopoulos en matière civile, et l’acceptation des coutumes comme source de droit civil temporairement et jusqu’à la promulgation du Code Civil. Le décret-loi promulgué le 23 Février/7 Mars 1835 sur la Loi Civile comportait tous les changements proposés par la Commission Législative. Cette loi temporaire resta en vigueur en Grèce jusqu’en 1940/1946: Effectivement la Grèce fut régie en matière civile par le Corpus Juris Civilis de Justinien et le Code des Basiliques de l’empereur Léon le Sage. L’auteur examine non seulement le processus de la promulgation de la loi-décret si importante pour la justice grecque mais aussi son application par les tribunaux.
Dans le Chapitre 5: L’enseignement du Droit Romano- Byzantin est présentée l’histoire de la fondation de l’ Université d’ Athènes ainsi que l’ enseignement par les premiers professeurs et jurisconsultes, tels que Paul Kalligas. Pierre Papparighopoulos, Basile Oecono- midès. Leur oeuvre et leur enseignement servirent à former l’ exégèse de la législation civile en vigueur et de mener de l’ Héxabible d’Arménopoulos aux Basiliques et au Corpus Juris Civilis et aux Novelles de Justinien et des autres Empereurs Byzantins jusqu’en 1345, date de la compilation de l’ Héxabible. La loi- décret du 23 Février/ 7 Mars 1835 empêchait de rechercher des solutions juridiques dans des Novelles postérieures à 1345, parcequ’ alors ces lois ne seraient pas contenues dans l’Héxabible.
Le Chapitre 6: La traduction et I’ enseignement du Code Civil Français, examine le travail de traduction du Code Civil Français accompli en 1835 et 1836 et la révision commencée en vue d’adapter ce code aux besoins de la société néohellénique. Est aussi présenté 1’ enseignement du Droit Civil Français en F Université d’Athènes et les professeurs de cette matière.
Le Chapitre 7: Les efforts angoissés I. 1835-1866 expose le travail des trois premières Commissions Législatives pour la rédaction d’un Code Civil Hellénique. Ces Commissions furent les suivantes: Commission Christodule Clonarès (1836-1838), Commission Constantin Proveléghios (1842-1843, dont les travaux furent interrompus par le Coup d’État du 3 Septembre 1843). Commission Christodule Clonarès et après la mort de celui-ci Commission Georges A. Rallis (1848-1862, dont l'oeuvre fut interrompue par le Coup d’État de 1862 et le changement de la Dynastie, après l’Expulsion du Roi Othon). Pour cette période les archives n’ étant pas encore classées en entier (seulement jusqu’en 1843), l’ auteur a utilisé surtout les Actes de la Chambre des Députés et ceux du Sénat. Pourtant les archives ont donné des informations pour une tentative de rappel de G. L. von Maurer en Grèce en 1847 pour rédiger un Code Civil. Mais les conditions posées par le jurisconsulte Bavarois ne furent pas acceptées par le Gouvernement Grec et le projet n’eut pas de suite. Est aussi présentée la promulgation du Code Civil Ionien en 1840 par adaptation du Code Civil Français et du Code Civil du Royaume des Deux-Siciles.
Le Chapitre 8: Les efforts angoissés II. 1866-1891. continue F histoire des Commissions Législatives pour la rédaction d’un Code Civil Hellénique. Pendant cette période la Commission Georges A. Rallis fut réorganisée et continua ses travaux jusqu’en 1870, année où elle soumit au Ministère de la Justice un projet complet de Code Civil basé sur le Code Civil Français. Pour son élaboration furent aussi utilisés les Codes d’autres États, comme le Royaume des Deux- Siciles, des Pays-Bas etc. ainsi que le Droit Romano-Byzantin et des solutions inédites basées sur la pratique juridique des membres de la Commission. Des efforts complémentaires furent nécessaires pour comprendre aussi les coutumes juridiques et le statut en matière civil des Iles Ioniennes, qui furent rattachées à la Grèce en 1864. Le Projet de 1870 ne fut pas soumis à la Chambre par le Ministre de la Justice Alexandre Al. Contostavlos. Selon le Ministre le monde juridique grec n’était pas encore mur pour élaborer un Code Civil Hellénique pouvant remplacer le Droit Romano-Byzantin. En fait Al. Contostavlos ne désirait pas 1’ abrogation du Droit Romano-Byzantin pour sauvegarder 1’ unité juridique entre la Grèce libre et les provinces vivant encore sous le joug ottoman.
Le Projet de 1870 fut révisé par deux Commissions, en 1873 et 1874. Cette dernière, composée pour la plupart par les mêmes membres que les précédentes, soumit au Ministère de la Justice un projet révisé, le Projet de 1874, comprenant 2025 articles, qui ne fut pas voté à la Chambre, où il fut soumis, à cause de la dissolution de celle-ci en Avril 1875. Ce projet ne fut pas réintroduit à la Chambre pour les mêmes raisons pour lesquelles fut refusé le Projet de 1870, mais aussi parce que entre-temps avait commencé la rédaction d’un Code Civil en Allemagne, attendu alors comme une oeuvre très importante. De toute façon, il y eut alors un changement d’orientation juridique pour la Grèce, qui se tourna vers 1’ Allemagne pour un modèle de Code Civil considéré plus proche du Droit Romano-Byzantin et donc plus approprié à la Grèce aussi. Le Projet de 1874 fut introduit avec des adaptations dans les États autonomes de Samos (1898) et de la Crète (1903). Le livre se termine en 1891, année où cessa tout effort pour la promulgation en Grèce du Projet de Code Civil de 1874 et toute 1’ attention se tourna vers le modèle allemand.
Le dernier Chapitre: En lieu d’Epilogue sous le titre: «Surtout que notre loi soit une loi grecque» (le titre est une citation de Paul Kalligas). récapitule les points éxaminés dans les chapitres précédents et souligne qu’une des raisons importantes du grand retard de l’ introduction d’ un Code Civil Hellénique fut la volonté de garder une unité de Droit Civil entre les provinces libres, composant l’État Hellénique, et les provinces restées sous le joug ottoman. L’irrédentisme restait l’idée guidant la société grecque et ne pouvait laisser indifférent le monde juridique. Le fait de l’application du Droit Romano-Byzantin en matière civile durant tout le XIXe siècle servit à la jurisprudence hellénique et au monde juridique grec comme période d’ «éducation» permettant d’ élaborer des solutions théoriques et des idées juridiques sans être confiné par la jurisprudence française, comme fut le cas pour le Droit Administratif depuis 1929. Finalement la promulgation du Code Civil Hellénique le 15 Mars 1940 fut le fruit de tous ces travaux et permit à la Grèce d’adopter une loi qui était une loi grecque, selon le vœu énoncé par Paul Kalligas en 1839.
Le livre comprend aussi deux appendices sur la promulgation du Code Civil Français et de son rayonnement, ainsi qu’une liste des Ministres de la Justice en Grèce entre 1822 et 1891. Suit la Bibliographie et l’appendice des Documents, rédigés en langue grecque, française et allemande, pour la plus part inédits.«Pourquoi en Grèce, alors que les autres Grands Codes furent rédigés en très peu de temps, a-t-il fallu 118 années pour la rédaction et la promulgation du Code Civil?». Telle est la question qui fut à l’ origine de cet ouvrage.
La recherche dans les archives et la découverte de manuscrits inédits ont apporté de nouvelles données au problème et ont enfin permis de formuler une réponse à la question qui planait depuis longtemps sur l’Histoire du Droit Néohellénique.
Ce livre a été présenté comme thèse de doctorat à la Faculté de Droit de l’Université Démocrite de Thrace et a été acceptée unanimement avec mention «magna cum laude» en Juin 2007.
Les matières du livre se présentent comme il suit:
Dans le premier chapitre: Sous le Gouvernement Provisoire de la Grèce (1822-1827), est présenté le statut juridique qui fut en vigueur sous la domination ottomane de la Grèce et spécialement pendant la dernière période de cette domination. L’exposition de ce statut se réfère seulement au peuple grec. Ensuite sont présentés les décisions prises par les Assemblées Générales Locales (1821-1822) et contenues dans les Constitutions Locales, ainsi que les décisions en matière de Droit en général et de Droit Civil plus spécialement prises aussitôt après la Déclaration de /’ Indépendance Hellénique et la promulgation de la première Constitution de l’État Hellénique unitaire, survenues le 1er Janvier 1822 à la Nouvelle Épidaure, ainsi que pendant toute la période du Gouvernement Provisoire de la Grèce (1822-1827). Sont signalés les articles des Constitutions Locales (du Sénat du Péloponnèse, de l’ Aréopage de la Grèce Continentale Orientale et du Sénat de la Grèce Continentale Occidentale) aussi bien que les articles des deux premières Constitutions Provisoires de la Grèce de 1822
et 1823, qui mettaient en vigueur les lois «de feus nos Empereurs Chrétiens» (οἱ νόμοι τῶν ᾀειμνήστων ἡμών Χριστιανῶν Aὐτοκρατόρων) comme règles légales régissant les questions de Droit Civil. Cette décision fut prise non pas tellement pour des raisons pratiques (étant donné que les affaires civiles des Grecs sous la domination ottomane étaient régies par cette législation et par les coutumes), mais surtout pour des raisons politiques: le nouvel État Hellénique revendiquait sa continuité politique et juridique avec l’Empire Byzantin, aboli en 1453 par la conquête ottomane, et avait déjà proclamé cette continuité par la Déclaration Finale des travaux du 15 Janvier 1822 de la Première Assemblée Nationale. Il faut aussi souligner que le nouvel État refusa d’introduire en 1822 les coutumes comme source de Droit Civil. Ce refus s’explique par les choix politiques qui ont prévalu, tout au moins théoriquement. Le manuel consulté par les tribunaux était l’Héxabible de Constantin Arménopoulos.
Dans le second chapitre: Sous la République Hellénique (1827- 1833), est exposé le statut juridique mis en vigueur selon la Constitution Politique de la Grèce de 1827 et les mesures introduites pendant la période 1827-1833. Les lois réglant le Droit Civil durant cette période n’étaient pas inconnues, mais l’auteur présente un grand nombre de renseignements inédits, provenant des archives, qui expliquent les décisions prises. Sont surtout explorées les raisons du choix du Code Civil des Français comme modèle pour le Code Civil Hellénique qui serait rédigé. Ces raisons ne se bornaient pas au besoin de suivre un code méthodique et moderne comme le Code Civil, nécessaire pour un Etat qui se voulait résolument tourné vers l’ Europe et la modernité, mais aussi pour des raisons politiques décidées par les législateurs de la Troisième Assemblée Nationale à Troezène. La décision de compilation d’un Code Civil Hellénique n’eut pas de suite pendant cette période à cause de la situation politique et diplomatique très difficile, qui ne permit pas au Président de la Grèce Jean Capodistrias de s’occuper sérieusement de la question. Pendant toute cette période les tribunaux décidaient des affaires civiles en recherchant les lois «de feus nos Empereurs Chrétiens» dans le manuel de l’Héxabible d’Arménopoulos. Il faut signaler qu’en même temps on peut distinguer une tendance sous-jacente d’introduction des coutumes comme source de Droit Civil, selon les dictats de Γ Ecole Historique du Droit, mais aussi pour des raisons pratiques. Cette tendance ne changea en rien la manière de juger des litiges. À la fin de cette période, le Ministre de la Justice Christodule Clonarès promulgua le 8 Octobre 1832 (date ancien style) un décret abolissant tous les tribunaux, excepté ceux des juges de paix et le Tribunal de Commerce de Syra. La cause de promulgation de ce décret doit être attribuée au dépit du Ministre suite au refus de l’Assemblée Nationale de Pronoia (Nauplie) de promulguer une nouvelle loi d’Organisation des Tribunaux rédigée par lui !
Dans le Chapitre 3: Changement politique et continuité des institutions, est présenté le changement institutionnel et politique de 1833 et le processus qui amena l’introduction du nouveau régime constitutionnel (Royaume de la Grèce). Les règles générales régissant ce régime sont analysées et les différences avec les régimes des périodes précédentes sont signalées. Il faut remarquer qu’en 1833 il ne fut pas introduit de régime de «monarchie absolue», régime inconnu en Grèce. La Constitution Politique de la Grèce de 1827 fut maintenue en vigueur, excepté les articles se référant à T Assemblée Législative abolis déjà en 1828 avec l’accord de l’Assemblée siégeant alors. L’auteur démontre que le régime de 1833-1844 ne différait pas de celui de 1828-1833.
Dans le Chapitre 4: Le Décret de la Loi Civile du 23 Février/7 Mars 1835 est décrit le processus de législation en matière civile adopté par le Conseil de la Régence du Royaume de la Grèce, ainsi que les vues de celui-ci sur le problème. Le Conseil de la Régence, composé par le comte Joseph-Ludwig von Armansperg comme président, le jurisconsulte Georg-Ludwig von Maurer et le général de brigade Cari-Wilhelm von Heideck, devait gouverner la Grèce pendant la minorité du premier Roi de la Grèce Othon, prince de Bavière et second fils du Roi de Bavière Louis I. Des trois membres du Conseil celui qui était chargé de la branche de la Jjustice était le jurisconsulte Georg-Ludwig von Maurer. Selon les théories de 1’École Historique du Droit. Maurer essaya de rassembler des renseignements sur les coutumes de la Grèce et s’adressa aux communes du pays, pour compiler une collection qui serait utilisée pour la rédaction du Code Civil. Les rapports sur les coutumes n’avaient pas encore été tous reçus au Ministère de la Justice que Maurer dut rentrer en Bavière, rappelé en disgrâce par le Roi de Bavière Louis I, en même temps que le membre suppléant de la Régence Cari August von Abel. Entre-temps il avait doté la Grèce d’un Code Pénal moderne, sur les principes de celui de la France, et de celui de la Bavière, ainsi que de Codes de Procédure Pénale et Civile et d’un Code d’Organisation Judiciaire.
La suite des efforts pour la rédaction d’un Code Civil pour la Grèce fut entreprise par le Président du Conseil de la Régence, le comte Armansperg, qui le 1/15 Janvier 1835 rédigea un projet de décret (adopté le même jour par le Conseil de la Régence) portant sur 1’ organisation d’une Commission Législative avec mission de traduire le Code Civil Français en grec moderne et de l’adapter aux besoins du peuple grec. Il ne s’agissait pas de rédiger un nouveau code mais seulement d’une adaptation selon la religion Orthodoxe et les coutumes grecques. Entre-temps, étant donné que la nouvelle organisation des tribunaux entrait en vigueur, il fallait éclairer les nouveaux juges sur les lois à appliquer en matière civile jusqu’à la promulgation du Code sous rédaction. C’est pour cela que le Ministre de Injustice Georges Praïdès soumit à l’approbation du Conseil de la Régence un projet de loi portant que jusqu’à la promulgation du Code Civil le manuel d’Arménopoulos resterait temporairement en vigueur et que les coutumes prévaudraient là où elles avaient acquis vigueur soit par un long usage soit par des décisions de tribunaux. Le projet obtint l’approbation du Conseil de la Régence à condition que, après délibération au Conseil des Ministres, il n’y aurait pas d'avis contraire. Bien que Praïdès s’efforçât de faire accepter le projet, les membres du Conseil Ministériel n’ étaient pas d’accord sur l’acceptation des coutumes, mises au ban de la légalité néohellénique depuis 1822, comme source de Droit. Pour cette raison la Régence envoya le projet à la Commission Législative déjà délibérant sur la rédaction d’un Code Civil Grec. Le Président de la Commission Christodule Clonarès par un long rapport révisa le projet et proposa comme plus correct le recours aux lois byzantines contenues dans le recueil d’Arménopoulos en matière civile, et l’acceptation des coutumes comme source de droit civil temporairement et jusqu’à la promulgation du Code Civil. Le décret-loi promulgué le 23 Février/7 Mars 1835 sur la Loi Civile comportait tous les changements proposés par la Commission Législative. Cette loi temporaire resta en vigueur en Grèce jusqu’en 1940/1946: Effectivement la Grèce fut régie en matière civile par le Corpus Juris Civilis de Justinien et le Code des Basiliques de l’empereur Léon le Sage. L’auteur examine non seulement le processus de la promulgation de la loi-décret si importante pour la justice grecque mais aussi son application par les tribunaux.
Dans le Chapitre 5: L’enseignement du Droit Romano- Byzantin est présentée l’histoire de la fondation de l’ Université d’ Athènes ainsi que l’ enseignement par les premiers professeurs et jurisconsultes, tels que Paul Kalligas. Pierre Papparighopoulos, Basile Oecono- midès. Leur oeuvre et leur enseignement servirent à former l’ exégèse de la législation civile en vigueur et de mener de l’ Héxabible d’Arménopoulos aux Basiliques et au Corpus Juris Civilis et aux Novelles de Justinien et des autres Empereurs Byzantins jusqu’en 1345, date de la compilation de l’ Héxabible. La loi- décret du 23 Février/ 7 Mars 1835 empêchait de rechercher des solutions juridiques dans des Novelles postérieures à 1345, parcequ’ alors ces lois ne seraient pas contenues dans l’Héxabible.
Le Chapitre 6: La traduction et I’ enseignement du Code Civil Français, examine le travail de traduction du Code Civil Français accompli en 1835 et 1836 et la révision commencée en vue d’adapter ce code aux besoins de la société néohellénique. Est aussi présenté 1’ enseignement du Droit Civil Français en F Université d’Athènes et les professeurs de cette matière.
Le Chapitre 7: Les efforts angoissés I. 1835-1866 expose le travail des trois premières Commissions Législatives pour la rédaction d’un Code Civil Hellénique. Ces Commissions furent les suivantes: Commission Christodule Clonarès (1836-1838), Commission Constantin Proveléghios (1842-1843, dont les travaux furent interrompus par le Coup d’État du 3 Septembre 1843). Commission Christodule Clonarès et après la mort de celui-ci Commission Georges A. Rallis (1848-1862, dont l'oeuvre fut interrompue par le Coup d’État de 1862 et le changement de la Dynastie, après l’Expulsion du Roi Othon). Pour cette période les archives n’ étant pas encore classées en entier (seulement jusqu’en 1843), l’ auteur a utilisé surtout les Actes de la Chambre des Députés et ceux du Sénat. Pourtant les archives ont donné des informations pour une tentative de rappel de G. L. von Maurer en Grèce en 1847 pour rédiger un Code Civil. Mais les conditions posées par le jurisconsulte Bavarois ne furent pas acceptées par le Gouvernement Grec et le projet n’eut pas de suite. Est aussi présentée la promulgation du Code Civil Ionien en 1840 par adaptation du Code Civil Français et du Code Civil du Royaume des Deux-Siciles.
Le Chapitre 8: Les efforts angoissés II. 1866-1891. continue F histoire des Commissions Législatives pour la rédaction d’un Code Civil Hellénique. Pendant cette période la Commission Georges A. Rallis fut réorganisée et continua ses travaux jusqu’en 1870, année où elle soumit au Ministère de la Justice un projet complet de Code Civil basé sur le Code Civil Français. Pour son élaboration furent aussi utilisés les Codes d’autres États, comme le Royaume des Deux- Siciles, des Pays-Bas etc. ainsi que le Droit Romano-Byzantin et des solutions inédites basées sur la pratique juridique des membres de la Commission. Des efforts complémentaires furent nécessaires pour comprendre aussi les coutumes juridiques et le statut en matière civil des Iles Ioniennes, qui furent rattachées à la Grèce en 1864. Le Projet de 1870 ne fut pas soumis à la Chambre par le Ministre de la Justice Alexandre Al. Contostavlos. Selon le Ministre le monde juridique grec n’était pas encore mur pour élaborer un Code Civil Hellénique pouvant remplacer le Droit Romano-Byzantin. En fait Al. Contostavlos ne désirait pas 1’ abrogation du Droit Romano-Byzantin pour sauvegarder 1’ unité juridique entre la Grèce libre et les provinces vivant encore sous le joug ottoman.
Le Projet de 1870 fut révisé par deux Commissions, en 1873 et 1874. Cette dernière, composée pour la plupart par les mêmes membres que les précédentes, soumit au Ministère de la Justice un projet révisé, le Projet de 1874, comprenant 2025 articles, qui ne fut pas voté à la Chambre, où il fut soumis, à cause de la dissolution de celle-ci en Avril 1875. Ce projet ne fut pas réintroduit à la Chambre pour les mêmes raisons pour lesquelles fut refusé le Projet de 1870, mais aussi parce que entre-temps avait commencé la rédaction d’un Code Civil en Allemagne, attendu alors comme une oeuvre très importante. De toute façon, il y eut alors un changement d’orientation juridique pour la Grèce, qui se tourna vers 1’ Allemagne pour un modèle de Code Civil considéré plus proche du Droit Romano-Byzantin et donc plus approprié à la Grèce aussi. Le Projet de 1874 fut introduit avec des adaptations dans les États autonomes de Samos (1898) et de la Crète (1903). Le livre se termine en 1891, année où cessa tout effort pour la promulgation en Grèce du Projet de Code Civil de 1874 et toute 1’ attention se tourna vers le modèle allemand.
Le dernier Chapitre: En lieu d’Epilogue sous le titre: «Surtout que notre loi soit une loi grecque» (le titre est une citation de Paul Kalligas). récapitule les points éxaminés dans les chapitres précédents et souligne qu’une des raisons importantes du grand retard de l’ introduction d’ un Code Civil Hellénique fut la volonté de garder une unité de Droit Civil entre les provinces libres, composant l’État Hellénique, et les provinces restées sous le joug ottoman. L’irrédentisme restait l’idée guidant la société grecque et ne pouvait laisser indifférent le monde juridique. Le fait de l’application du Droit Romano-Byzantin en matière civile durant tout le XIXe siècle servit à la jurisprudence hellénique et au monde juridique grec comme période d’ «éducation» permettant d’ élaborer des solutions théoriques et des idées juridiques sans être confiné par la jurisprudence française, comme fut le cas pour le Droit Administratif depuis 1929. Finalement la promulgation du Code Civil Hellénique le 15 Mars 1940 fut le fruit de tous ces travaux et permit à la Grèce d’adopter une loi qui était une loi grecque, selon le vœu énoncé par Paul Kalligas en 1839.
Le livre comprend aussi deux appendices sur la promulgation du Code Civil Français et de son rayonnement, ainsi qu’une liste des Ministres de la Justice en Grèce entre 1822 et 1891. Suit la Bibliographie et l’appendice des Documents, rédigés en langue grecque, française et allemande, pour la plus part inédits.