Perdu dans l΄immensité de l΄univers, l΄homme n΄est plus considéré comme dépositaire de quelques valeurs transcendantes. Ses exaltations morales et ses envolées intellectuelles se réduisaient à des processus purement biologiques — et la régression constante du vitalisme fait de nos jour espérer, à certains biologues, que même la conscience et l΄entendement seraient tôt ou tard présentés comme un épiphénomène du déterminisme physico-chimique. Des positions pareilles nous placent dans la perspective des tendances actuelles de la biologie et le article présent ne soeurait d΄aucune manière en con- stester le bien-fondé. Cela n΄empêche qu΄il s΄efforce de souligner les excès méthodologiques dont elles relèvent et les dangers qu΄elles impliquent pour l΄homme.
Intimement liés aux données biologiques de l΄individu, la conscience et l΄entendement sont en même temps le fruit de facteurs non seulement biologiques mais, également, historiques, sociologiques et psychologiques; l΄effort de négliger l΄importance de ces derniers ferait preuve de biologisme. L΄im- puissence du déterminisme physico-chimique à expliquer la conscience et l΄entendement ne prouve pas que ceux-là perdent leur particularité qualitative. Elle prouve, au contraire, que cette particularité transgresse les schémas explicatifs de la biologie bien qu΄elle se trouve enracinée dans l΄élément matériel de l΄homme. L΄homme est à même de concevoir sa propre condition: sa possibilité de contester sa propre singularité dans le monde prouve indéniablement que ses facultés intellectuelles, fussent-elles tributaires du déterminisme physico-chimique, se différencient nettement par rapport à lui sur le plan qualitatif.
Mais la critique du biologisme est particulièrement importante à un autre point de vue; l΄effort systématique de revaler l΄homme au niveau de l΄animal, ne serait-ce que sur le plan théorique, pourrait avoir des incidences nélastes sur l΄avenir de nos sociétés. Dans ces conditions, les biologistes seraient obligés d΄assumer leurs responsabilités qui se résument aux points suivants: s΄abstenir de toute recherche dangereuse pour l΄homme et formuler ses conclusions de manière à ne pas encourager la frivolité ou la sauvagerie de ceux qui pourraient en profiter.